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Les facteurs de pénibilité physique au travail

Si l’enquête Conditions de travail permet d’objectiver les différentes formes de pénibilité auxquelles sont exposés les salariés dans leur travail, elle ne permet d’en mesurer ni l’intensité, ni la durée.

C’est la raison pour laquelle aucune référence à des seuils chiffrés d’exposition n’est évoquée dans l'étude "Les salariés du privé sont-ils informés des risques liés à leur activité professionnelle et bénéficient-ils de dispositifs de prévention ?". Seule l’appréciation du salarié quant à son exposition à divers risques professionnels est recueillie. En cas de pénibilité physique ressentie, cela peut se traduire par des atteintes à la santé, avec une corrélation entre le niveau de pénibilité d’une part, et l’augmentation des douleurs dues au travail et des accidents de travail d’autre part (éclairage ci-dessous).

Les risques professionnels pris en compte dans cette étude sont exclusivement les facteurs de pénibilité physique auxquels les salariés sont confrontés dans l’exercice de leur travail et le « niveau d’exposition » est défini par le nombre de facteurs cumulés. Ces facteurs sont les suivants :

  1. Contraintes physiques marquées : rester longtemps debout, rester longtemps dans une posture pénible ou fatigante, effectuer des déplacements à pied longs ou fréquents, porter ou déplacer des charges lourdes, effectuer des mouvements douloureux ou fatigants, subir des secousses ou des vibrations ;
  2. Environnement physique agressif : à cause de la saleté, de la température élevée ou trop basse, de l’inhalation de fumées ou de poussières, du contact avec des produits dangereux, de l’exposition à des risques infectieux ou encore de bruits rendant difficile la communication à 2 ou 3 mètres avec des collègues ;
  3. Certains rythmes de travail : travailler de nuit, en 2/8 ou 3/8, avoir des rythmes de travail imposés par des contraintes techniques (des machines) ou par le travail de collègues.

Ces facteurs sont retenus car ils correspondent de façon approchée aux dix types de pénibilités pris en compte par le compte de prévention de la pénibilité (C3P), créé par la loi du 20 janvier 2014 « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites », avant sa transformation en compte personnel de prévention (C2P) (ordonnance n° 2017-1389). Dans le nouveau dispositif, le terme « pénibilité » est remplacé par celui de « risque professionnel » et 6 types sont pris en compte au lieu des 10 du dispositif précédent [5] [6].  L’enquête ne permet toutefois pas de dire si les expositions pourraient ouvrir droit au cumul de points sur le compte, car elle ne mesure pas l’intensité des expositions de façon précise.

Plus de la moitié des salariés du privé cumule au moins six facteurs de pénibilité physique au travail

Dans la présente étude, les salariés sont répartis en quatre groupes de tailles relativement proches, qui se distinguent suivant le nombre de contraintes physiques pénibles auxquelles les salariés sont exposés au cours de leur activité professionnelle. Un premier groupe (27 % des salariés) cumule un nombre « très élevé » de facteurs de pénibilité (plus de 10) ; le deuxième (26 %) est confronté à un nombre « élevé » de facteurs de pénibilité (entre 6 et 10) ; le troisième (22 %) connaît une « exposition modérée » (entre 3 et 5 facteurs) ; le quatrième groupe (26 %) n’est que « peu ou pas exposé » à des facteurs de pénibilité physique (entre 0 et 2 facteurs de pénibilités) (tableau A en ligne).

Comparativement à l’ensemble des salariés, ceux du groupe cumulant un nombre très élevé de facteurs de pénibilité sont davantage des hommes, des jeunes, et sont deux fois plus souvent des ouvriers ; ils exercent plus fréquemment leur activité en contrat à durée limitée (CDD, intérim, etc.), davantage dans l’industrie, la construction et dans le secteur des transports et entreposage, mais travaillent un peu moins souvent dans des établissements de très grande taille. Sur leur lieu de travail, ils sont autant couverts par des instances représentatives du personnel (IRP) que l’ensemble des salariés.

Les salariés du deuxième groupe, à exposition « élevée », bien qu’également surreprésentés dans le secteur des transports et entreposage, travaillent plus souvent que la moyenne dans le commerce ainsi que dans le secteur des activités de la santé humaine et de l’action sociale. Ils sont plus fréquemment ouvriers que l’ensemble des salariés mais, à la différence de ceux du premier groupe, sont aussi plus souvent employés. Ils travaillent un peu plus souvent dans des établissements de taille moyenne (50 à moins de 200 salariés) et disposent un peu moins d’une représentation syndicale sur leur lieu de travail.

Dans le groupe des salariés « modérément exposés », les activités de services hors commerce, transport-entreposage, hébergement-restauration et santé humaine sont nettement plus fréquentes que pour l’ensemble des salariés. On y trouve davantage de femmes, de professions intermédiaires et de cadres, travaillant plus souvent tantôt dans des établissements de moins de 50 salariés, tantôt dans de très grands établissements.

Le groupe des salariés peu ou pas exposés réunit aussi, comparativement à l’ensemble des salariés, plus de femmes, de professions intermédiaires et de cadres, et de salariés travaillant dans les services hors commerce, transport-entreposage, hébergement-restauration, santé humaine et action sociale. Il s’agit de salariés un peu plus âgés que la moyenne, qui ont plus souvent des fonctions d’encadrement. Ils travaillent plutôt dans de grandes entreprises (27 % travaillent dans des établissements de 500 salariés ou plus, contre 20 % de l’ensemble des salariés et 14 % à 16 % de ceux des groupes à exposition élevée ou très élevée) et, de ce fait, disposent un peu plus souvent d’instances élues, en particulier celles spécialisées dans les questions de santé, sécurité et conditions de travail, et de délégués syndicaux.

Tableau EN 1 - Caractéristiques des salariés selon leur exposition aux facteurs de pénibilités physique au travail en 2019

Lecture : en 2019, 69,5 % des salariés connaissant une exposition « très élevée » aux facteurs de pénibilité sont des hommes.
Champ : France, salariés du secteur privé (hors employés des particuliers), établissements de 10 salariés ou plus.
Source : enquête Conditions de Travail 2019, Dares-DGAFP-Drees-Insee, volet couplé.

La mesure de la pénibilité dans l’enquête Conditions de travail repose sur le ressenti des salariés, même si les questions sont très factuelles. Néanmoins, cette pénibilité physique ressentie peut se traduire sous forme d’atteintes concrètes à la santé.


Au cours des douze derniers mois, la majorité des salariés « très exposés » ont souvent ressenti des douleurs dans une partie de leur corps (79 %, contre 46 % pour les salariés peu ou pas exposés, tableau A). Ces douleurs sont plus souvent situées dans des parties du corps particulièrement affectées par des troubles musculo-squelettiques (épaules, coudes, hanches…) ou des lombalgies (dos). Ces salariés cumulent également plus souvent des douleurs dans plusieurs parties du corps (3,5 contre 1,9 pour le groupe peu ou pas exposé).

Tableau EC A - Douleurs au cours des douze derniers mois dans au moins une partie du corps selon l'exposition des salariés aux facteurs de pénibilité physique au travail en 2019

En % Ensemble des salariés Exposition très élevée Exposition élevée Exposition modérée Peu ou pas d'exposition
Souvent des douleurs dans au moins une partie du corps 61,2 78,6 64,9 54,4 45,7

Dont au(x)

Cou, épaules

39,5 46,5 36,8 37,9 32,5
Bras, coudes, poignets, mains 29,8 42,0 30,7 23,0 14,1
dos 66,7 73,5 69,3 61,9 56,0
jambes, hanches, genoux, chevilles, pieds 39,8 49,3 41,2 36,9 24,1
Parmi les salariés qui déclarent des douleurs : nombre moyen de parties du corps avec douleurs (sur 12 parties du corps) 2,8 3,5 2,7 2,6 1,9

Lecture : en 2019, 78,6 % des salariés connaissant une exposition « très élevée » aux facteurs de pénibilité déclarent ressentir souvent des douleurs.
Champ : France, salariés du secteur privé (hors employés des particuliers), établissements de 10 salariés ou plus.
Source : enquête Conditions de Travail 2019, Dares-DGAFP-Drees-Insee, volet couplé.

Les salariés les plus exposés sont aussi bien plus fréquemment victimes d’accidents du travail (24 %, contre 2 % pour les salariés peu ou pas exposés, tableau B). Un peu plus d’un salarié très exposé sur dix connaît au moins un accident qui donne lieu à une interruption de travail, contre un sur cent parmi les salariés peu ou pas exposés. Le risque d’accident avec au moins quatre jours d’arrêt de travail est également près de dix fois plus fréquent parmi les salariés les plus exposés, comparés aux salariés peu ou pas exposés. 

Tableau EC B - Accidents du travail au cours des 12 derniers mois selon l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité physique au travail en 2019

En % Ensemble des salariés Exposition très élevée Exposition élevée Exposition modérée Peu ou pas d'exposition
Accident du travail, même bénin, nécessitant des soins 11,1 24,1 13,4 2,8 2,4
dont avec arrêt de travail d'un jour ou plus 5,0 11,7 5,2 1,0 1,4
dont avec arrêt de travail de quatre jours ou plus 4,0 9,6 4,3 0,6 1,0

Lecture : en 2019, 11,7 % des salariés connaissant une exposition « très élevée » aux facteurs de pénibilité déclarent avoir connu au cours des douze derniers mois un accident du travail, même bénin, ayant nécessité des soins et entraîné un arrêt de travail d’au moins un jour.
Champ : France, salariés du secteur privé (hors employés des particuliers), établissements de 10 salariés ou plus.
Source : enquête Conditions de Travail 2019, Dares-DGAFP-Drees-Insee, volet couplé.

 Enfin, 60 % des salariés les plus exposés estiment que le travail est « plutôt mauvais pour leur santé », contre 35 % en moyenne et seulement 20 % parmi les salariés « peu ou pas exposés » (tableau C). Parmi les travailleurs qui déclarent être exposés à plus de 10 facteurs de pénibilité, (exposition très élevée), près d’un sur cinq considère pourtant que son travail n’affecte pas sa santé et près d’un sur sept lui attribue même une influence bénéfique : dans ce dernier cas, la méconnaissance du risque ou sa sous-estimation face à la perspective d’un éventuel risque de chômage peut, entre autres, expliquer cet apparent paradoxe. Il s’agit de salariés un peu plus jeunes que la moyenne.

Tableau EC C – Perception des salariés de l’influence du travail sur leur santé selon leur exposition aux facteurs de pénibilité physique au travail en 2019

En % Ensemble des salariés Exposition très élevée Exposition élevée Exposition modérée Peu ou pas d'exposition
Négative - mon travail est plutôt mauvais pour ma santé 35,2 59,9 33,8 25,1 20,0
Neutre - mon travail n'influence pas ma santé 39,3 19,2 41,3 44,8 53,0
Positive - mon travail est plutôt bon pour ma santé 18,2 13,8 16,1 22,1 21,4

Lecture : en 2019, 59,9 % des salariés connaissant une exposition « très élevée » aux facteurs de pénibilité pensent que leur travail est plutôt mauvais pour leur santé.
Champ : France, salariés du secteur privé (hors employés des particuliers), établissements de 10 salariés ou plus.
Source : enquête Conditions de Travail 2019, Dares-DGAFP-Drees-Insee, volet couplé.